Sophrologie Ehrhard
Sophrologie Ehrhard

La Conscience Verticale

Une aventure intérieure
Ellébore Editions – droits réservés – ISBN 978 2 86898 953 6
Patrick Ehrhard

PROLOGUE

Seule compte l'expérience

Le chemin vers la conscience verticale est chemin vers le Soi. Il est voie d'évolution de la structure physique et psychologique de l'individu pour un élargissement de sa conscience lui permettant de parvenir à une meilleure compréhension de lui–même et du monde dans lequel il construit son existence. Ce processus d'évolution amène l'individu à découvrir et ne plus refuser qui il Est. En sa conscience verticale la personne s'ouvre au présent en sa réalité, à la fois dans l'expression la plus éphémère de ce présent, et dans ce qu'il contient d'éternité. Vivre le présent en son mouvement inlassablement en devenir, c'est vivre " l'être–Soi " – l'exister au plus haut niveau du vivre. D'un point de vue phénoménologique, être est indissociable du non–refus de l'ici et maintenant et de ses contenus. La réalité n'est que présence et n'existe que dans notre capacité à la saisir, donc notre capacité à créer de l'unité. La conscience verticale est réalisation de cette unité. Elle est " non–deux ". Pour la conscience verticale il n'y a pas JE et autre chose refusé, il n'y a que ce qui Est et la paix infinie qui prend racine en ce qui Est.

Ce qui nous est essentiel est là. Le présent est le seul espace où nous pouvons accéder à la vérité de notre nature. Il est l'unique lieu de notre liberté d'agir, d'aimer – une évidence que le mental brouille sans cesse en nous entraînant loin des contenus de l'ici et maintenant, ou en les réinterprétant en fonction des positions arbitraires et unilatérales de l'Ego. En comparaison avec des temps passés, incapable de saisir l'instant dans sa clarté avec ce qu'il porte de nouveau en lui, nous regrettons, nous présupposons, nous idéalisons, nous nous plaignons. Nos actes étant de ce fait mal ajustés à la réalité, emportés par le changement sous toutes ses formes quand, pour nous rassurer, nous voudrions tout retenir, nous nous retrouvons vite décalés et malheureux. Nous perdons ainsi la capacité d'être Un avec une incontournable vérité : l'impermanence de toutes choses. Cette perte d'unité concerne à la fois l'esprit et le corps. Au cœur de ce présent continûment en mouvance que nous habitons mal et qui nous blesse en conséquence, nous tentons de fuir en ne voulant plus ressentir ; ou nous ne ressentons plus qu'au travers de nos sens voilés par nos peurs et nos croyances mentales. Pour ne pas perdre ce qui nous échappe pourtant, nous ne désirons qu'avoir et ne savons plus être. Intérieurement fragmentée, la personne souffre. De conflit en conflit elle est comme en errance. En perte de sens, la personne n'Est pas ; son exister lui échappe comme lui échappe un présent perçu comme en perpétuelle fuite. Dans l'âme et le corps de l'individu, un présent sans être est un présent en exil. Au profit du mental qui n'écoute et ne voit que lui–même, la conscience perd contact avec ses valeurs, s'amoindrit et se met en rupture avec le Tout. L'amour déserte.

Les contenus de ce livre proposent un chemin vers la conscience dévoilée, la conscience verticale incarnée, celle de l'être. Des expériences de bonheur et de souffrance ont nourri ce livre, des rencontres artistiques, spirituelles, humaines. C'est aussi ma rencontre avec la Psychologie Transpersonnelle de G. Jung, le travail de K. G. Dürckheim, la philosophie, la poésie, et la Sophrologie Caycédienne – remarquable voie de développement de la conscience. Cet ouvrage est né d'une vie dansée, a pris corps dans l'âme charnelle du mouvement créateur, de la passion d'exprimer, de vivre, de partager. Ainsi, Joseph Russillo, Maurice Béjart, Jorge Donn, Yvonne Berge, Patrick–André Chéné, Richard Meyer, Carolyn Carlson, Arnaud Desjardins avec celles et ceux œuvrant en sa voie, et tant d'autres existences et souffles en communion, ont contribué à dévoiler en moi une conscience de l'harmonie. Ces rencontres, ces regards échangés, ces frôlements d'âmes, sont transmissions infinies d'enseignements libres et mobiles, des chemins de découvrance de l'authenticité de vivre. Au fil du temps une trame s'est tissée – une trame d'existence, de travail, d'amour. Cette nourriture s'est posée sur le papier, naturellement ; il est vrai comme arrêtée, suspendue, alors que seul le mouvement est réalité. Tout est mouvement, tout est impermanence. L'expérience transforme inlassablement la moindre certitude, le moindre équilibre ; tout se défait et se transforme, c'est notre chance pour grandir. Pourtant, dans ce mouvement de la vie qui brise sans répit ce que nous tendons à retenir, tout vécu partagé nous aide à mieux bâtir notre existence horizontale sans rien perdre de la verticalité numineuse – cette verticalité du présent où s'exprime l'être. Partager – ainsi apprendre à exister ensemble, chacun à sa manière. Les expériences assemblées ici sont des réflexions pour notre route intérieure – des lumières pour réfléchir, méditer, dévoiler la conscience, faire l'expérience surtout et ne rien figer de ce que l'on découvre en soi. Ce qui est écrit ne doit en aucun cas rester immobile en notre conscience ; rien n'est à croire béatement, mais à éprouver, à moduler en son personnel existentiel ! Une conviction viscérale guide également le propos : l'Humain se doit de demeurer au dessus de ce que les sociétés découvrent et inventent pour se développer et perdurer. La politique, la science, la culture, les dogmes, l'argent, ont à servir l'Humain et non l'inverse. Chaque individu se doit de conquérir et garder cette place où réside sa liberté unique et originale. Rien de ce qui est rapporté ici ne fait référence à une quelconque morale. La juste morale est le sens – un sens qui ne divise pas les Hommes. C'est à chacun d'œuvrer pour le découvrir.

Chaque expérience offerte par le présent est à vivre dans la pleine originalité de la personne, car c'est par l'expérience individuelle unique que la vraie liberté se conquiert. L'expérience, non pas celle qui vient satisfaire l'intellect ou assurer un confort mental, mais celle qui lève les voiles de la conscience. C'est par l'expérience de la pleine conscience qui accueille et voit que nous pouvons transformer notre existence horizontale en une quotidienneté libre, authentique, responsable et constructive. Une quotidienneté qui ait sens. Il est pour cela un point important : ces expériences, uniques pour chacun, se doivent d'être confrontées, pour qu'à la fois se révèlent et se bâtissent des vérités communes. Apprenons à être conscients de ce qui Est, de ce que nous voulons vraiment et de ce que nous désirons transformer. A partir de cela mettons–nous en route. Laissons agir nos énergies vitales, patiemment, avec courage et amour. A chaque moment faisons l'expérience de la vie et de l'amour. Vivons surtout ce que nous désirons, bien sûr avec entendement. Alors, par la transcendance offerte par toute expérience valorisante vécue dans sa complétude, va s'opérer la bascule qui dissout les représentations négatives de soi – renaître à soi–même, ne plus avoir peur de vivre ce que l'on est vraiment. Quelle que soit notre avancée sur le chemin de notre existence, quels que soient les objectifs atteints ou non atteints au cours de notre développement personnel, ne nous jugeons pas et n'idéalisons pas notre parcours. N'idéalisons pas non plus le but suprême, la sagesse. Ne nous fixons pas des objectifs illusoires pour justifier nos hésitations. Ne comparons pas notre voie avec celle des autres, car en fait le chemin à faire pour chacun n'existe pas par avance, il n'a pas de modèle ; ce chemin, unique pour chaque individu, se fait dans le mouvement, dans chacun de nos pas. Là est le but : être, vertical, en mouvement avec la vie. Assurément, nos trébuchements seront fréquents ! Aussi, si notre existence est aujourd'hui écartelée par la dualité, acceptons–le humblement. Si l'espace de liberté intérieur n'est pas encore conséquent dans notre quotidien, accueillons cette réalité. C'est cela qui compte, l'accueil, le non–refus, dans la conscience de ce qui Est, ici et maintenant. Ne nous laissons pas dominer par notre Ego au travers de son idée de la perfection. Notre seule perfection, c'est être, exister au plan transpersonnel – être, au–delà de notre " ordinaire " condition mentale ; pour notre légèreté et notre bonheur, se rassembler en soi et faire l'expérience de l'unité. Car, ne le désavouons pas, n'ayant rien à voir avec la pensée positive qui ne résout rien, le bonheur existe, pour chacun d'une certaine manière. Il se conquière. Il n'existe pas dans la dénégation de la souffrance. La souffrance est notre humanité. Il ne s'agit pourtant pas de conforter la vieille croyance " il faut souffrir pour être heureux ", cela ne signifie rien. Pour notre liberté intérieure, découvrir un sens dans ce qui nous blesse est chemin – chemin d'ouverture, d'intégration, qui passe par la traversée de l'Ombre, la face refusée et bien cachée de nous–mêmes. C'est par cette voie que l'Homme se libère. L'Homme se libère par la vivance profonde des phénomènes de son existence, par le continu dévoilement de sa conscience, donc le retrait des projections sur autrui et le lâcher–prise de ses conditionnements. Aussi ne suivons jamais quiconque nous dira détenir le bonheur (le notre ?). Aucune organisation, aucun pouvoir ne peut y prétendre. Notre bonheur est de notre seul fait. Il demande de ne plus refuser, de ne plus subir, de passer à un autre plan de conscience. Se dépouiller pour revenir à l'essence. Se dépouiller de ce qui n'est pas soi pour l'avènement des valeurs de l'être. Rejeter le mal et ne s'occuper que du bien est un leurre qui entretient la division, cause de tant de douleurs. C'est profondément sectaire et tôt ou tard dangereux. Voyons ce qui est obscurité en nous, ce qui est fausse vision ; " re–connaissons " et grandissons pour la lumière. La personne qui peut nous accompagner sur le chemin, le guide, le maître serviteur du véritable Soi, n'est là que pour nous donner un éclairage sur l'inexistant douloureux entretenu par nos pensées et nous donner le courage d'agir afin que nous soyons notre propre maître. C'est ce que nous vivons en conscience qui est notre maître véritable. Un événement, une personne, amie ou ennemie, tout ce qui déclenche un phénomène en nous, tout ce qui peut nous révéler quelque chose et permettre l'ouverture de notre conscience à une vision nouvelle libératrice d'une servitude, apparaît comme un maître. Pour cela, l'esprit se doit d'être nécessairement accueillant pour ce qui se lève en nous, nos réactions face au refus, nos questionnements face à nos incompréhensions. Il n'y a que nous qui puissions–nous venir en aide. Alors, libre au cœur du présent, arbre penché sur le monde, nous pouvons agir pour notre vie et, en résonance, pour l'humanité entière.

Tout travail sur soi réunit les Hommes, car chacun porte en lui–même, dans la diversité, l'humaine condition et l'universelle ordonnance. C'est en recouvrant et en vivant ce lien qui unit microcosme et macrocosme que l'individu accède à la liberté et peut, en résonance, l'offrir aux autres.

" Les formes et les choses se manifestent à celui qui n'est pas attaché à son être propre. Dans ses mouvements, il est comme l'eau ; dans son repos il est comme un miroir, et dans ses réponses, il est comme l'écho. " Lao–Tseu

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